Georges Guisolan, Président d’honneur, en a l’idée en 1969. Cette régate au long cours peut se réaliser à la condition qu’on ne touche pas aux dates des grandes classiques du lac et aux championnats de séries, qui engorgent les calendriers. Ce qui laisse une marge très étroite.
La persévérance du comité finit par payer. En décembre 1974, l’Assemblée générale accepte cette proposition.
Le « Bibord Trabord » (journal du Club) de février 1975 explique : « L’expérience a démontré que les propriétaires de cruisers n’apprécient pas tellement les parcours habituels, en triangle et limités quant à la longueur. Il est vrai que ces parcours ne conviennent pas à des cruisers. On va donc tenter une expérience qui répond à l’orientation de la compétition pour ces bateaux. Il s’agira d’une régate « au long cours » qui s’intitulera « Les 100 Milles d’Estavayer », et qui, dans son trajet le plus long, comprendra deux fois le tour du lac. Un règlement spécial sera élaboré. On croit savoir que M. Guisolan s’y emploie ».
En accord avec les autres clubs du lac, le CVE tente une première édition des « 100 Milles », destinée aux cruisers et ABC (Association de propriétaires de Bateaux de Croisière). Départ le vendredi 23 mai 1975, à 20 heures, clôture le dimanche matin ! Une future classique du lac est née. Comme les autres, elle garde un aspect folklorique : la monotypie n’est pas à l’ordre du jour pour les lourds, encore moins un système cohérent de classement. Ce n’est pas faute d’avoir tenté d’y voir clair. On commence par réserver les 100 Milles à la catégorie « ABC » qui permet, grâce au système des temps compensés, de donner autant de chance de l’emporter aux bateaux lents qu’aux bateaux rapides, tout en reconnaissant la difficulté de définir les séries (1976). Puis on décide en 1977 que les voiliers de croisière de moins de 5,50 m sont exclus, de même que les racers et les voiliers de plus de 8 m de long qui n’ont pas au moins 1,7 m de hauteur sous barrots ! En désespoir de cause, le comité décrète en 1980 que les 100 Milles « doivent rester une croisière plus qu’une régate, prévue pour rester sur le lac pendant 3 jours… Pour préserver cet esprit, l’art. 2 du règlement qui empêche les racers de participer, est conservé ».
Trois ans plus tard, face à l’évolution inéluctable de la construction des bateaux, Georges Guisolan pense qu’il faut faire deux catégories de voiliers pour les 100 Milles (cruisers et racers). Le CVE définira quatre séries pour son championnat interne (moins de 7 m / de 7,01 à 8,5 m / 8,51 m à 9,99 m / plus de 10 m). Système adopté par 6 clubs du lac en 1985, année où les multicoques font leur apparition. Devant « l’indifférence grandissante » pour la régate et la « chute soudaine et très inquiétante de motivation », la FVLJ abandonne les classements ABC, IOR et autre Yauchtstich pour imposer en 1986 une nouvelle formule, dite « Libera », qui tient compte de la longueur, du poids et de la surface des voiles, ce qui fait 6 classes, en plus de la distinction cruisers et racers. En 2005 plus de 10 classes !
Cette conception de championnat, en principe ouvert à tous les bateaux, n’empêche pas la course à l’armement, difficile à éviter. Les petits budgets trouvent des solutions dans la monotypie. Reste que le succès de cette régate se renouvelle chaque année, bien que l’objectif « 100 Milles / 100 bateaux » n’ait été atteint que rarement.
Ses responsables ont lorgné avec envie sur les chiffres impressionnants de participation au Bol d’Or de Genève. Auraient-ils oublié que ce Bol a été créé en 1940 et que chez nous, en 1970 encore, les différences de niveau du lac nous contraignaient à des tirants d’eau lilliputiens ? En revanche, la qualité supplée la quantité : la délégation du CVE aux régates FVLJ est « de loin la plus importante », avec souvent des premières places. Moyenne de 16 bateaux du CVE par régate durant l’année 1986.
Cet engouement ne faiblira pas. En 1989, Laurent Chablais peut écrire dans le BT de décembre : « Jamais de mémoire du CVE, un tel succès n’a été atteint par les régatiers de pointe » non seulement aux 100 Milles, mais sur l’ensemble des régates FVLJ. Et de citer Beat Siegfried sur son Asso 99, Urs Stauffer et P. Bangerter sur un X-99, Mario Soppelsa sur un Sélection, Raymond Wittmer et Daniel Ruffieux sur leurs catamarans. L’une des explications est que le comité est toujours attentif aux remarques des régatiers. Ce sont eux qui obtiennent que les 100 Milles coïncident avec le week-end de la Pentecôte (1990), que la régate soit raccourcie.
Une seconde explication réside dans le fait que cette compétition (comme les classiques du lac) permet de réunir suffisamment de monotypes pour être passionnante : les Surprise, les Joker, les Dolphin, les X-99, les M2 etc.
2007 : les 100Milles « naviguent » sur le net et adoption de la nouvelle jauge SRS en remplacement des jauges ACVL et FVLJ.
…et l’histoire continue…